Huile d'Argan: Arnaque ou réelle amélioration des conditions de vie des femmes
Regardez cette femme, a t'elle l'air heureuse à casser des noix d'amandons assise par terre toute la journée?
Pensez vous réellement que des personnes complètement analphabetes peuvent créer et gérer seules une structure aussi complexe qu'une coopérative d'huile d'argan?
Que ces mêmes personnes peuvent commercialiser et mettre en place une campagne marketing?
A votre avis le salaire de 20 à 100€ par mois est il suffisant pour des journées de 8 à 10 heures de travail?
Pensez vous que ces femmes sont toutes déclarées et bénéficient d'une couverture sociale ?
On parle aujourd'hui beaucoup de l'huile d'argan et de ses bienfaits, tant au niveau du consommateur, que des coopératives de femmes qui devraient trouver dans ce travail de transformation une juste rémunération. On cite les réussites de quelques coopératives et on montre toujours les mêmes femmes qui récitent leur leçon par coeur. Beaucoup de marques de cosmétiques l'intégrent dans leurs nouveaux produits, et de grands chefs de cuisine l'insèrent dans leurs recettes. L'argan, cette huile millénaire est à la mode. Qu'en est-il réellement du produit et de la situation des femmes qui le transforme?
Située dans la région d'Agadir, Tiznit, Essaouira et Taroudant, où la sécheresse est devenue un phénomène structurel, l'arganeraie constitue avec ses 800 000 hectares et ses 20 millions d'arbres la deuxième essence forestière du Maroc. C'est un véritable rideau vert dressé contre la désertification rampante et surtout source de revenus pour des populations livrées à la précarité et à l'exclusion, puisque l'arganeraie peut assurer la subsistance de quelques trois millions de personnes. Les racines de cet arbre peuvent aller s'enfoncer jusqu'à 30 mètres dans le sol. S'il peut vivre jusqu'à 200 ans, il ne se reproduit que par rejet et attend 5 ans avant de donner un fruit, qui lui prend de 18 à 24 mois pour murir.
A mon premier voyage au Maroc en 1978, on nous avait déja proposé dans la rue d'acheter cette huile spéciale dans une bouteille en verre mal bouchée. Soucieux d'éviter à nos vêtement un bain d'huile dans le sac à dos nous avions décliné l'offre. A l'époque seuls quelques hommes en vendaient à la sauvette dans les rues. Depuis avec les découvertes de certains chercheurs marocains et la diffusion assurée au départ par des voyageurs la renommée des vertus de l'argan n'a cessé de croître.
Une Affaire de Femmes
Apanage des femmes, la production d'huile d'argan requiert de longues heures de travail pénible. Ainsi l'extraction d'un litre d'huile, soit environ 30 kilos de fruits qui donneront 2, 6 kilos d'amandons nécessite 8 heures de travail manuel. La cueillette se fait à la main, essentiellement en ramassant les fruits tombés à terre, et cela sur une période de plusieurs mois. Les fruits sont stockés et la fabrication se fait au fur et à mesure des commandes car l'huile produit artisanalement ne se conserve pas longtemps.
S'il a toujours eu une fonction économique dans l'arrière-pays d'Agadir, ce n'est que dans les années 90 que l'exploitation de l'arganier a commencé à s'organiser réellement entre autre avec la création de coopératives féminines, surtout entre 2004 - 2006.
Elles ont bénéficié de formations et d'accompagnement par différents organismes nationaux et ONG internationales. La plupart ont reçu des locaux et du matériel d'extraction mais les coopératives ne réussissent pas à réellement générer des revenus réguliers et décents et beaucoup sont en train de fermer sinon stagner. Pourquoi?
Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord la plupart de ces femmes sont analphabètes, vivent dans des logiques de survie avec peu d'argent qui rentre dans la famille. Chaque sou est d'une importance cruciale. Depuis des générations elles sont soumises à leur mari, à leur belle-mère, aux hommes de la famille et du village. Et l'on voudrait que d'un coup de baguette magique ces femmes deviennent de redoutables femmes d'affaires, férues en marché de niche et techniques de marketing pointues. Faut pas rêver!
Ensuite il y a la sécheresse endémique qui frappe le sud du Maroc. Les arbres crévent et la diminution de la matiére première fait monter les prix. Ne disposant pas de fond de roulement, les coopératives ne disposent pas des moyens d'une entreprise privée pour acheter des noix au meilleur prix. La sécheresse des derniéres années et l'augmentation de la demande ont fait passer les prix de la matière première de 1,5 à 2 dh/kg à 4 jusque 6 dh le kilo!
L'absence de législation sur les produits du terroir autorise toutes sortes de dérives. Dans les boutiques on ne sait pas toujours ce que l'on achète. Parfois, l'huile alimentaire est vendue pour de l'huile cosmétique. Quel pourcentage réel d'argan dans les crèmes de beauté? Aucune réglementation n'existe et c'est dommage car à force d'acheter des produits de compositions incertaines, ce magnifique produit va perdre la confiance des consommateurs. Il faut aussi savoir qu'à ce jour il n'y a pas de certification équitable officielle au Maroc.
Etapes de la production Artisanale
Il faut tout d'abord entre 36 et 40 kg de fruits pour obtenir les 7 kg de noix nécessaires à la fabrication de l'huile qui commence par le dépulpage des noix. Par la suite, elles sont cassées par les femmes entre deux cailloux, mais de telle manière que les amandes demeurent intactes, puis elles sont légèrement torréfiées pour être enfin moulues dans une meule en pierre appelée Azerg,, R'ha en Arabe. A l'issue de ce travail, une pâte huileuse est obtenue dont sera extraite l'huile par un pétrissage prolongé, en continuant à ajouter de l'eau tiède. Le produit sera ensuite mis à décanter dans des récipients
.